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Les gens les plus hypocrites de la terre
Par Michaël Béhé à Beyrouth
METULA |
29 Juillet 2006
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Le général Michel Aoun, homme intègre s'il en
est, est-il en train de manquer un tournant historique?
Les politiques, les journalistes et les
intellectuels du Liban ont connu, ces jours, le choc de leur vie. Ils savaient
bien que le Hezbollah avait constitué un Etat indépendant dans notre pays, un
Etat incluant tous les ministères et les institutions parallèles, en double de
ceux du Liban. Ce qu’ils ignoraient, qu’ils découvrent à la faveur de cette
guerre, et qui les paralyse de surprise et d’effroi, ce sont les dimensions de
cette phagocytose.
De fait, notre pays était devenu une extension de l’Iran, et notre soi-disant
pouvoir politique servait, de surcroît, de paravent politique et militaire aux
islamistes de Téhéran. Nous avons découvert soudain que Téhéran avait stocké
plus de 12'000 missiles, de tous types et de tous calibres, sur notre territoire
et qu’il avait patiemment, systématiquement, organisé une force supplétive, avec
le concours des Syriens, qui s’appropriait, davantage jour après jour, toutes
les chambres de la Maison-Liban. Figurez-vous que nous hébergeons des missiles
sol-sol sur notre territoire, les Zilzal, et que le tir de tels engins à notre
insu a le pouvoir de déclencher un conflit stratégique régional et,
potentiellement, l’anéantissement du Liban.
Nous savions que l’Iran, par l’intermédiaire du Hezbollah, construisait une
véritable ligne Maginot au Sud mais ce sont les images de Maroun el-Ras et de
Bint J’bail qui nous ont révélé l’ampleur de ces travaux. Une dimension qui nous
a fait comprendre plusieurs choses d’un seul coup : que nous n’étions plus
maîtres de notre sort. Que nous ne possédions pas le commencement des moyens
nécessaires à inverser le cours de cet état de fait, et que ceux qui avaient
fait de notre pays la base avancée du combat de leur doctrine islamique contre
Israël n’avaient pas la moindre intention de renoncer volontairement à leur
emprise.
Les discussions de salut national concernant l’application de la résolution 1559
et réunissant la plupart des courants politiques libanais n’étaient donc que de
la poudre aux yeux. L’Iran et la Syrie n’avaient pas investi des milliards de
dollars pour militariser le Liban afin d’y mener leur bataille, dans l’objectif
d’accéder au désir des Libanais et de la communauté internationale qu’ils
prennent leur quincaillerie et qu’ils partent la réinstaller chez eux.
Et puis l’indécision, la lâcheté, la division et l’irresponsabilité de nos
dirigeants sont telles, qu’ils n’ont même pas eu à forcer leur talent. Pas eu
besoin d’engager un bras de fer avec les autres composantes politiques du pays
des cèdres. Ces dernières se sont montrées et continuent de se montrer
inconsistantes.
Certes, notre armée, réformée durant des années par l’occupant syrien pour ne
plus jamais pouvoir remplir son rôle de protectrice de la nation, n’avait pas la
capacité à se mesurer aux miliciens du Hezb. Notre armée à qui il est plus
dangereux de faire appel, en raison des équilibres explosifs qui constituent
chacune de ses brigades, que de l’enfermer à double tour dans ses casernes. Une
force encore largement inféodée à ses anciens maîtres étrangers, au point d’être
incontrôlable ; au point d’avoir collaboré avec les Iraniens pour mettre NOS
radars côtiers à disposition de leurs missiles, qui ont bien failli couler un
bâtiment israélien en face de Beyrouth. Les éléments non-Hezbollah du
gouvernement ignoraient, quant à eux, et jusqu’à l’existence de missiles sol-mer
sur notre territoire… Cela a valu la destruction ultra justifiée de tous NOS
radars par l’armée des Hébreux. Et encore nous en tirons-nous à bon compte dans
cette embrouille.
On a beau jeu désormais de pleurnicher et de jouer hypocritement le rôle des
victimes. Nous nous y entendons à nous faire plaindre et à prétendre que nous ne
sommes jamais responsables des horreurs qui se déroulent à intervalles réguliers
sur notre sol. Bien sûr cela n’est que foutaise ! La résolution 1559 du Conseil
de Sécurité, exigeant de NOTRE gouvernement qu’il déploie NOTRE armée sur NOTRE
territoire souverain, le long de NOTRE frontière internationale avec Israël et
qu’il désarme toutes les milices évoluant sur NOTRE sol, a été votée le 2
septembre 2004.
Nous disposions de deux ans pour mettre en œuvre cette résolution et pour
garantir ainsi un avenir paisible à nos enfants et nous n’avons strictement rien
fait pour cela. Notre plus grand crime – mais ça n’est pas le seul ! –, encore,
n’est pas de ne pas y être parvenus, mais de n’avoir rien tenté ni rien
entrepris. Et cela, ce n’est la faute de personne d’autre que celle des minables
politiciens libanais.
Notre gouvernement, même depuis le départ de l’occupant syrien, a laissé les
bateaux et les camions d’armes se déverser chez nous. Sans même se préoccuper de
regarder leur chargement. Il a hypothéqué les chances de renaissance de ce pays
en confondant le Printemps de Beyrouth avec la libération de Beyrouth. En fait,
nous venions d’obtenir une occasion, une sorte de moratoire inespéré, pour nous
permettre de prendre notre avenir en mains, rien de plus.
Dire que nous n’avons même pas été capables de nous entendre pour "pendre" Emile
Lahoud – le pantin des Al-Assad – sur la Place des Martyrs et qu’il est toujours
président de ce que certains s’entêtent à appeler notre république… Il n’y a pas
à chercher beaucoup plus loin : nous sommes ce que nous sommes, c’est-à-dire pas
grand-chose.
Toutes les personnes assumant des responsabilités publiques et informationnelles
dans ce pays sont responsables de la catastrophe. Sauf ceux de mes confrères,
journalistes et éditeurs, qui sont morts, assassinés par les barbouzes syriens,
parce qu’ils étaient nettement moins lâches que ceux qui ont leur ont survécu.
Et Lahoud est resté à Baabdé ! (le palais du président de la République du Liban.
Ndlr).
Et lorsque je parle de catastrophe, je n’entends pas l’action menée par Israël
pour répondre à l’agression de ses civils et de son armée, qui s’est produite
depuis notre sol et que nous n’avons strictement rien fait pour éviter, et dont
nous sommes conséquemment responsables. Toute dérobade à cette responsabilité –
certains, ici, n’ont pas les notions du droit des nations minimales nécessaires
à le comprendre ! – signifie que le Liban, en sa qualité d’Etat, n’existe pas.
L’hypocrisie se poursuit : même certains éditorialistes du respectable L’Orient-le-Jour
mettent dos à dos la sauvagerie du Hezbollah et celle des Israéliens. Honte !
Veulerie ! Et nous serions qui, dans cette fable ? Les pauvres victimes ad
aeternam des ambitions des autres ?
Les hommes politiques soit soutiennent cette thèse insensée, soit se taisent.
Ceux dont on attendait qu’ils parlent, qu’ils sauvent notre image, se taisent
comme les autres. Et je fais précisément allusion au général Aoun, qui aurait pu
passer l’épaule en clamant la vérité. Même son ennemi, Walid Joumblatt, le chef
des Druzes s’est montré moins… vague.
Victime ? Le Liban ? Quelle plaisanterie !
Avant l’attaque israélienne, il n’y avait plus de Liban, ce n’était plus qu’un
hologramme. A Beyrouth, des citoyens innocents comme moi se voyaient interdire
l’accès de certaines zones de leur propre capitale. Mais notre police, notre
armée et nos juges aussi en avaient été exclus. C’était le cas, par exemple, du
périmètre de commandement du Hezbollah et des Syriens dans le quartier de Haret
Hreïk (en rouge sur la carte satellite). Un carré d’un kilomètre de côté, une
capitale dans la capitale, gardé en permanence par une armée de Horla [1],
possédant ses institutions, ses écoles, ses crèches, ses tribunaux, sa radio, sa
télévision et surtout… son gouvernement. Un "gouvernement" qui a décidé seul, à
la place des potiches de celui du Liban – dans lequel le Hezbollah a également
ses ministères ! – d’agresser un Etat voisin, avec lequel nous n’entretenons
aucun différent substantiel ou fondé, et de NOUS plonger ainsi dans un conflit
sanglant. Et si attaquer un Etat souverain sur son territoire, assassiner huit
de ses soldats, en kidnapper deux autres et, simultanément, lancer des roquettes
sur neuf de ses villes ne constitue pas un casus belli, il faudra alors revoir
sérieusement la définition de ce principe juridique.
Alors ils en sont presque tous, ces politiciens lâches, y compris de nombreux
leaders et religieux chiites eux-mêmes, à bénir chaque bombe qui se détache d’un
F-16 juif et qui vient réduire à l’état lunaire l’insulte à notre souveraineté
que constituait Haret Hreïk, en plein cœur de Beyrouth. Sans les Israéliens,
comment aurions-nous fait pour recevoir une nouvelle chance – que nous ne
méritons en aucune façon ! – de reconstruire notre pays ?
Chaque fortin irano-syrien que Jérusalem détruit, chaque combattant islamique
qu’elle élimine, et c’est le Liban qui se remet proportionnellement à revivre !
Les soldats d’Israël font, une nouvelle fois, notre travail. A nouveau, comme en
82, nous assistons, lâches, terrés, minables et en les insultant, en plus, à
leur sacrifice héroïque qui nous permet de conserver l’espoir. De ne pas être
engloutis dans les entrailles de la terre. Car, bien évidemment, à force de nous
être souciés du Liban-Sud comme de notre dernière chemise, d’avoir laissé
l’étranger se saisir des privilèges qui nous appartenaient, nous n’avions plus
la capacité de recouvrer notre indépendance et notre souveraineté. Si, à l’issue
de cette guerre, l’armée libanaise reprend le contrôle de son territoire et se
débarrasse de l’Etat dans son Etat, qui œuvrait à la mort par asphyxie du
dernier cité, ce sera uniquement grâce à Tsahal, et cela, tous ces poltrons de
politiciens, de l’escroc Fouad Siniora, à Saad Hariri, le fils du pilleur du
Liban, et au général Aoun-le-droit, le savent parfaitement.
Quant aux destructions causées par les Israéliens… que voilà une autre imposture
: regardez la carte satellite ! J’ai positionné, tant bien que mal, MAIS DANS
DES PROPORTIONS CORRECTES, les parties de ma capitale qui ont été détruites par
Israël. Il s’agit de Haret Hreïk – en totalité – et des demeures des chefs du
Hezbollah, situées dans la grande banlieue chiite de Dayaa (comme ils l’écrivent)
et que j’ai encadrée en bleu.
En plus de ces deux zones, Tsahal a fait sauter un immeuble de commandement du
Hezbollah de 9 étages, dans la city de Beyrouth, plus haut sur la carte que
Haret Hreïk et légèrement à gauche (au nord-ouest). Il s’agissait du "perchoir"
de Nasrallah à l’intérieur de la cité, par lequel il affirmait sa
présence-prédominance sur nous. Un entrepôt d’armes syriennes dans le port, deux
radars de l’armée, que des officiers chiites avaient mis à la disposition du
Hezb, et un camion suspecté de transporter des armes, dans le quartier chrétien
d’Achrafieh.
De plus, les infrastructures routières et aéroportuaires ont été mises hors
d’état de fonctionner : elles servaient à nourrir le Hezbollah en armes et en
munitions. Hors ceci, Tsahal n’a rien touché, rien abîmé, et tous ceux qui
parlent de la "destruction de Beyrouth" sont soit des menteurs, soit des
Iraniens, soit des antisémites, soit des absents. Même les maisons situées à une
ruelle des objectifs que j’ai mentionnés n’ont pas été touchées, pas même
n’ont-elles subi une égratignure ; c’est, en regardant ce travail, que l’on
comprend la signification du concept de "frappes chirurgicales" et que l’on peut
s’extasier devant la dextérité des pilotes juifs.
Carte satellitaire de
Beyrouth (Google Earth)
Cerné de rouge, le quartier rasé, de bleu, celui où les demeures appartenant aux
huiles de l’organisation terroriste ont été détruites (Michaël Béhé)
Beyrouth, tout le reste de Beyrouth, 95 % de Beyrouth, vit et respire mieux
qu’il y a deux semaines. Tous ceux qui n’ont pas fait cause commune avec le
terrorisme savent qu’ils n’ont strictement rien à craindre des avions d’Israël,
bien au contraire ! A titre d’exemple, hier soir, le restaurant où je suis allé
manger était plein à craquer et j’ai dû attendre 21h 30 pour pouvoir m’attabler.
Les gens sont tout sourire, détendus, mais personne ne les filme : drôle de
destruction de Beyrouth, n’est-il pas ?
Bien sûr, il y a les quelques 500'000 réfugiés du Sud, qui vivent une véritable
tragédie et qui ne sourient pas, eux. Mais Jean (Tsadik. Ndlr), qui a les yeux
rivés sur Kfar Kileh, et dont j’ai appris que l’on pouvait croire chaque parole,
m’assure que la quasi-totalité des maisons desdits réfugiés sont intactes. Ils
pourront donc y revenir dès que le Hezbollah aura été vaincu.
La défaite des intégristes chiites d’obédience iranienne est imminente. Les
bilans communiqués par les séides de Nasrallah et par la Croix-Rouge libanaise
sont trompeurs : premièrement, sur les 400 morts déclarés par le Liban, seuls
150 sont de vraies victimes civiles collatérales de la guerre, les autres
étaient des miliciens sans uniforme au service de l’Iran. Le reportage
photographique de Stéphane Juffa Les civils des bilans libanais… pour notre
agence constitue à ce jour la preuve tangible unique de ce gigantesque
bidouillage morbide. Ce qui rend ce document éminemment important.
De plus, l’organisation de Hassan Nasrallah n’a pas perdu 200 combattants, comme
l’affirme Tsahal. Ce chiffre ne concerne que les combats s’étant déroulés à la
frontière, encore est-il sous-évalué par les Israéliens, pour une raison que
j’ignore, d’une centaine de miliciens éliminés. Le bilan réel des pertes du
Hezbollah, celui qui inclut les morts de Beyrouth, de la Bekaa, de Baalbek et de
ses autres camps, bases de lancement de roquettes et de missiles et dépôts
d’armes et de munitions s’élève à 1'100 Hezbollani supplémentaires qui ont
définitivement cessé de terroriser et d’humilier mon pays.
Comme l’immense majorité des Libanais, je prie pour que personne ne mette fin à
l’attaque israélienne avant qu’elle n’ait fini de désosser les terroristes. Je
prie pour que les soldats hébreux pénètrent dans tous les recoins du Sud-Liban
et en chassent, à notre place, la vermine qui s’y accroche. Comme l’immense
majorité des Libanais, j’ai mis le Champagne au frais pour fêter la victoire des
Israéliens.
Mais, au contraire d’eux, je sais admettre, pour paraphraser Michel Sardou,
qu’ils combattent également pour notre liberté, une autre bataille "où toi tu
n’étais pas" ! Et, au nom de mon peuple, je veux exprimer ma reconnaissance
infinie aux parents des victimes israéliennes, civiles et militaires, dont les
êtres aimés sont aussi tombés pour que je puisse vivre debout dans mon identité.
Qu’ils sachent que je les pleure avec eux.
Quant à la clique de minables qui fait florès à la tête de mon pays, il est
temps qu’ils comprennent qu’après cette guerre, après que nos alliés naturels
nous auront débarrassé de ceux qui nous empêchaient de reconstituer un Etat, un
cessez-le-feu ou un armistice ne suffiront pas. Pour assurer l’avenir du Liban,
il faudra qu’ils comprennent qu’il est temps de faire la paix avec ceux contre
qui nous n’avons aucune raison de faire la guerre. Il n’y a, en effet, que la
paix qui assure la paix. Il faut bien que quelqu’un le leur dise, car dans ce
pays, on n’a pas appris ce qu’étaient les lapalissades…
Note :
[1] Michaël Béhé fait allusion au Horla, un livre de Guy de Maupassant [Ndlr]
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